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Exposés Art Nouveau
28 avril 2008

71 avenue Foch, immeuble France-Lanord

71 avenue Foch ou immeuble France-Lanord.

 

Introduction :

Jean-Baptiste France-Lanord est le fils d’un maçon originaire de

la Creuse

, il arrive à Nancy en 1865. Il fera fortune en construisant de nombreuses usines et des établissements industriels mais il est surtout l’un des premiers en France à utiliser le béton armé (d’où sa présence dans cet immeuble), introduisant également à Nancy de nouveaux procédés de levage. Il fut associé en 1900 à son neveu Auguste Bichaton avec lequel il fonde l’entreprise France-Lanord et Bichaton.

Emile André, 1871-1933, est le fils de Charles André. Il a été à Paris à l’école des Beaux-Arts dans l’atelier de Victor Laloux, il y poursuit ses études commencées en Lorraine. En 1896 il va en Egypte en compagnie de Gaston Munier, puis en Inde pour participer à des campagnes de fouilles archéologiques avec Jacques de Morgan. En 1898, il voyage en Perse, Afrique du Nord et en Italie. En 1901, il revient à Nancy et s’y fixe définitivement, il y est chargé du cours de théorie de « construction des objets d’utilité et des habitations ». Sa production est essentiellement composée de maisons individuelles ce qui rend exceptionnel les 69 et 71 avenue Foch qui sont des immeubles de rapport.

 

I) Historique.

 

A) comparaison avec des édifices antérieurs.

 

Il n’y a pas d’édifice antérieur, il est ex-nihilo construit sur un terrain vague acheté à M. Muscat le 14 et le 20 Juin 1902, sur une parcelle étroite et longue de 14/34 m de surcroit coudée alors encore appelée 63 faubourg saint Jean, il formait donc encore un tout avec le 69, ces constructions mettent alors un terme à l’urbanisation du faubourg Saint-Jean qui en 1905 devient avenue Foch.

 

B) Contexte historique, politique, militaire, culturel.

 

La famille France-Lanord est une famille riche au faîte de la modernité dont les enfants vont étudier aux Etats-Unis. L’entreprise a acquis très tôt en 1895 la concession du système Hennebique qu’elle contribue à diffuser, ce qui montre le sérieux de l’entreprise et les grands soins apportés aux travaux. Le 71 avenue Foch appartient à l’entreprise.

Cette construction correspond aux besoins de nouveaux logements après la guerre de 1870/71 et aux émigrations de 1870 : c’est un immeuble de rapport pour les bourgeois et les professions libérales, les rentiers, les cadres…avec 1 ou 2 enfants et leurs domestiques. Cette population fait preuve de modernité par son attirance et son adoption de l’architecture moderne.

La surface de la parcelle et la clientèle visée déterminent le programme : à chaque étage on a un appartement avec pièces de réceptions et chambres donc on a un développement horizontale d’où l’individualisation de chaque niveaux et de la façade qui reflète la distribution intérieure.

 

C) Construction de l’édifice.

 

Il fut construit entre 1903 et 1904 par Emile André dont la date et la signature sont situées de par et d’autre de la fenêtre axiale du rez-de-chaussée.

Le 71 est un ensemble de 4 projets extraits d’une série de 8 conservés dans le fonds André réalisé par André dont un date du mois de Février 1903, il est également auteur des ferronneries. Cette documentation exceptionnelle permet de suivre pas à pas la démarche d’Emile André : 14-20 Juin 1902 : achat du terrain, 21 Juin 1902 : demande d’autorisation de construire, gros œuvre achevé en septembre1904.

Le choix du terrain et du statut de la construction étant, de droit, réservé au commanditaire, il appartient à l’architecte de déterminer les parties de distribution et d’élévation. Le choix du style s’est fait conjointement.

Les plans sont dessinés entre 1902-1904 et ont été mis en place assez rapidement, il ne nous reste que 2 projets mais le choix du style a eu de nombreuses études qui montrent qu’André a oscillé en permanence entre néo-classique et néo-gothique qu’il préférera finalement. La façade fut traitée pour elle-même pour preuve la 4éme étude d’André pour cette façade qui est le plus aboutie et la plus pittoresque tant au niveau des formes, de la mise en œuvre des matériaux que du décor : «  c’est sans aucun doute le projet le plus excentrique jamais dessiné par André » d’après M. Roussel.

 

D) Histoire de l’œuvre après sa construction.

 

Il reçoit ses premiers habitants en 1905.

La remise à automobile a été détruite.

 

II) Description.

 

A) situation de l’édifice.

 

Situé sur l’avenue Foch à Nancy au n° 71.

Il devait être aligné sur la rue selon les règlements de la voirie de Nancy.

Il est orienté Nord-Ouest.

 

B) Matériaux :

 

- gros œuvre : calcaire, béton armé pour le plancher et la toiture de la terrasse (exécuté par l’entreprise France-Lanord et Bichaton) et pierre de taille.

- 2nd œuvre : brique, grès, céramique, bois, verre, fer.

- Couvrement : ardoise, tuile mécanique.

 

C) Composition d’ensemble.

 

a) difficultés et problèmes rencontrés :

 

La parcelle étroite et longue de surcroît coudée impose une distribution complexe nécessitant plusieurs corps de bâtiments. Le statut social des locataires pressentis nécessite la construction d’écuries, d’une remise auto et de voiture et justifie la mise en place d’un passage couvert traversant le corps sur la rue. La cage d’escalier est rejetée sur la cour pour laisser les pièces de séjour sur la rue. La difficulté de distribution liée à la configuration de la parcelle a obligé André à placer la cuisine dans le corps de bâtiment sur cour à un emplacement trop éloigné du séjour.

 

b) la cour :

 

La cour du 71 a des communs placés pour régulariser la parcelle : une remise à automobile ou voiture (véhicule tiré par des chevaux) et des écuries. Ce qui montre un statut social élevé : Elle est pavée pour favoriser les manœuvres de voitures, leur présence même montre le statut social des locataires mais rien ne prouve la construction du garage pour automobile en façade, d’autant plus qu’il est perdu alors que les projets existent pour les écuries et le garage à voiture fait de matériaux plus grossiers que le reste.

Le passage couvert a obligé la construction d’un escalier au cœur du bâtiment.

Il a installé une boîte aux lettres sur le mur du passage couvert qui, en métal peint, se détache de la pierre blonde.

 

c) Elévation intérieure :

 

Il a un sous-sol ½ enterré qui est une cave avec jour sur la rue par des soupiraux d’où une surélévation du rez-de-chaussée et une buanderie. La circulation est assurée par un escalier desservant un appartement unique à chaque étage. Les combles ont 2 niveaux superposés surmontés d’un grenier.

On a également des escaliers de service ainsi qu’un étage pour les domestiques avec un confort réduit au minimum.

 

d) intérieur :

 

La partie centrale pour la circulation est la plus réduite, éclairée par des fenêtres sur la courette aménagée à ses extrémités.

Comme on l’a précisé, les appartements se déploient horizontalement, il y a pour chaque appartement des chambres (3 au minimum), les pièces sur rues sont pour la réception comme le salon, la salle à manger mais aussi une chambre. Le salon donne une information sur la classe sociale de ces appartements : ce sont des pièces d’apparat ainsi que par la présence d’office qui est un espace transitoire, de cabinet de toilette purement féminin et de WC ou de salle d’eau qui est la preuve de la présence d’eau courante et du tout à l’égout, ce qui montre un souci fonctionnaliste complété par une cuisine et une salle à manger mais de confort également, comme le montre la présence de chaudière dans une des salle d’eau du 1er étage et d’un appareil pulsateur pour l’amener au 2nd, ce qui est rare donc luxueux, de plus, on a des cheminées dans chaque pièce et un système de chauffage central (dans la cave sous la remise, présent seulement en plan) et des installations électriques.

C’est donc un immeuble de standing élevé.

 

e) le décor intérieur :

 

Le sol du hall d’entrée a une mosaïque à décor floral mêlé d’une ligne serpentine pour faire pendant aux vitraux de la cage d’escalier. Chaque porte palière est vitrée, ce qui donne un éclairage indirect de la circulation intérieure : c’est une stylisation du motif de la tulipe. Les cheminées sont banales sauf une en grès flammé dans des tons fauves à décor naturaliste. La salle à manger a des alcôves dont les pieds droits sont ornés de carreaux en grès flammé turquoise recevant un poêle de couleur différente à chaque étage et une large corniche avec des branches de pommier.

L’intérieur est soigné avec une grande attention porté aux détails ce qui en fait une œuvre d’art totale.

 

f) élévation extérieure et façade :

 

Comme on l’a dit, la façade fut traitée par André pour elle-même, comme une œuvre d’art à part, elle cache le béton comme cela se fait encore traditionnellement à l’époque ainsi que la toiture de la terrasse, ce qui ne modifie par l’apparence coté rue tandis que l’arrière est sans grand soin puisque recouvert d’un simple enduit.

De lui, on a conservé plusieurs projets qui montrent les différentes réflexions qu’il a eu dessus. De cela, on peut retenir que dés les 1er projets (le tout 1er étant franchement classique sera sans lendemain, seule la forme du portail perdure ainsi que l’affirmation d’un 1er niveau fortement architecturé et des avant toits) la lucarne pignon et le bow-window furent gardés, André l’a voulu ainsi parce qu’il a un goût pour le gothique et par volonté de faire pendant à la tour de la commanderie, la plus vieille tour de Nancy, qui se trouve en face de l’immeuble.

La façade finalement se différencie de celle des autres maisons de la rue : un unique balcon de pierre souligne la travée centrale du 1er étage, les autres baies sont munies de garde du corps en fer forgé, les colonnes de la coursières portent un balcon. Le changement le plus radical se fait par l’introduction d’un étage supplémentaire qui reprend la polychromie avec un balcon : les briques rouges qui le détachent du reste et qui donnent une impression fausse de recul, ce qui est dû à la volonté du commanditaire de bénéficier d’appartement complet et confortable supplémentaire donc d’une meilleure rentabilité dans l’immeuble. Le bow-window agrémente l’intérieur et détermine un nouveau type de façade aux décrochements plus puissant, de plus, on y concentre l’intérêt décoratif symbole de modernité mais il ne reflète par l’intérieur contrairement au salon qui est magnifié en façade par les balcons en pierre et fer forgés très décorés et par leurs larges fenêtres. Le toit est à longs pans.

Le décor floral est abondant : algues lamellaires sur le chambranle de la porte cochère, les consoles des balcons et la lucarne pignon ; fougère sur l’allège de la fenêtre axiale du 3éme niveau, chardon sur les gardes corps du balcon du 4éme étage ; fleurs sur le front des arcs de la coursière. La sculpture souligne une structure comme sur la loggia, accompagne certain motif en accentuant leur mouvement (pinacle), adoucit les formes (rampants du pignon).

Il y a sans aucun doute une influence de l’art gothique par la tour de la commanderie et peut-être un régionalisme lorrain en référence au palais ducal de la part d’André dans la conception de cette façade mais aussi par le fait que, sur les gardes corps des balcons en fer forgé, on a un chardon stylisé.

 

 

III) Note de synthèse.

 

A) place de l’œuvre dans la carrière de l’architecte.

 

C’est une des premières réalisations de l’architecte pour un immeuble de rapport (avec le 69), on y trouve aussi pour la 1ère fois la lucarne pignon qu’il reproduira sur d’autre édifice de Nancy comme pour les 92 et 92 bis quai Claude le Lorrain. Il y fait preuve de modernité technique et distributive, il contente les désirs de ses commanditaires.

 

B) Place de l’œuvre dans l’histoire de l’architecture.

 

Il est monumental, étranger à la tradition nancéienne et s’inscrit dans la lignée de grands immeubles haussmanniens (par le plancher en béton armé par exemple) et par son coût tout à fait en dehors de normes locales.

 

 

 

 

Bibliographie :

 

- type d'étude : enquête thématique régionale (Nancy 1900), date d'enquête : 1972, rédacteur(s) : Roussel Francis, N° notice : IA54000048, Inventaire général, 1972.

- 69-71 avenue Foch, Emile André Architecte, Loubens Sophie, Doucet Hervé, 2nd cycle de l’école du Louvres, 10 Mars 1997.

- Nancy architecture 1900, images du patrimoine, F. Roussel.

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