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Exposés Art Nouveau
15 avril 2008

mackintosh

Antoine AUBRY

Clara SCREVE

 

 

 

CHARLES RENNIE MACKINTOSH :

L’ECOLE D’ART DE GLASGOW

 

 

L’HISTORIQUE

 

Le contexte

 

Contexte économique

«

La Clyde

a fait Glasgow, et Glasgow a fait

la Clyde

».

Lorsque l’acte d’Union est signé en 1707, les marchands écossais ont enfin le droit de commercer avec les colonies américaines. Des fortunes réalisées sur le négoce du tabac, du coton, du bois d’ébène, contribuent à la croissance fulgurante de la ville, laquelle se poursuit par la découverte de charbon et de minerai de fer dans les environs. La croissance démographique, telle qu’elle fait de Glasgow la « seconde ville de l’empire » après Bombay traduit ce contexte plus que favorable. La révolution industrielle en général et l’aménagement du bassin de

la Clyde

-port naturel de plus de

30 kilomètres

de long- en particulier, ont fait de cette ville l’un des principaux « pays noirs » du Royaume-Uni. A la fin du XIXe siècle, Glasgow dispose du plus grand chantier naval du monde. Cette position que la ville occupe au plan mondial explique les relations commerciales qu’elle entretient notamment avec le Japon, non sans conséquence sur l’art.

 

Contexte social

Toutefois, de ce contexte économique, il en découle un contexte social moins envieux. Les conditions de logement des classes populaires sont épouvantables. La pollution atmosphérique est pire qu’à Londres à tel point que l’armateur Burrel conditionnera le lègue de sa collection de tableaux et d’objet d’art : le musée l’abritant devra être construit dans un lieu non pollué. Enfin, la classe ouvrière locale a derrière elle une longue tradition de lutte depuis les affrontements sanglants de 1820 jusqu’au « comité ouvrier soviet de

la Clyde

» crée en 1920.

 

Contexte culturel

L’activité culturelle en cette fin de siècle est fébrile. Aussi existerait-il une tentative consciente de la bourgeoisie pour créer un micromilieu artistique local visant à terme l’autosuffisante esthétique. Le commerce avec le Japon et

la France

(Jules bastien Lepage sera le chef de fil du groupe dit « les Glasgow boys ») en facilitera la mise en œuvre. De même la création du musée civique de Kelsingrove, premier établissement public à acheter une toile du japonisant Whistler, comme le recrutement à l’extérieur de cadres artistiques et la formation de cadres locaux participent à cette logique. C’est dans ce contexte d’offensive culturelle qu’il conviendra d’inscrire la construction de l’école d’art. 

 

Avant d’étudier celle-ci, il convient d’aborder le style dit des « quatre de Glasgow » dont fait parti son architecte. Ce groupe dont le travail est popularisé par des articles publiés dans The Studio est constitué sous l’égide de Newbery, directeur de l’école d’art. Leur ambition reprend le concept d’œuvre d’art totale, ou Gesamtkunstwerk que Wagner a défini au milieu du XIXe siècle. Laquelle est animée par une volonté totalisante qui se réalise à travers l’union des arts dans le désir de refléter l’unité de la vie.

Outre Charles Rennie Mackintosh, ce groupe comprend Herbert MacNair et les sœurs Macdonald- Margaret et Frances. Fortement inspiré notamment par les préraphaélites, leur style se caractérise par une mise en page linéaire rigide, des verticales vertigineuses, des formes animalo-végétales, un manque total de profondeur.

A ces données s’ajoute une composante symboliste voire même ésotérique. En effet, ce siècle marque une recrudescence des interrogations religieuses hors des Eglises établies : télépathie, spiritisme, théosophie…D’ailleurs, les critiques de l’époque les regroupaient sous le vocable péjoratif de « Spook school » soit l’école des spectres. Ils supposaient l’existence derrière le monde visible de tout un réseau caché de réalités immatérielles avec lesquelles l’art et l’imagination peuvent entrer en contact et que le design et l’architecture ont pour mission de rendre sensible. Mouvement ultra-minoritaire dont l’extrême raffinement renvoie à l’isolement social de ses membres, le style de Glasgow et des quatre a, semble-t-il, été partiellement inventé de l’extérieur. En outre, ils ne laisseront finalement qu’une trace modeste dans l’Art nouveau, à la notable exception de Mackintosh.

 

 

La construction

 

Les différentes campagnes

 Un philanthrope ayant fait don à l’école d’art d’un terrain vierge, Newbery lance en 1895 une souscription publique pour l’érection de nouveaux locaux. Une première campagne de 1897 à 1899 concerne la section centrale et l’aile est, une seconde de 1907 à 1909 l’étage attique, la galerie dite « Hen Run », l’aile ouest et la cage d’escalier de l’aile est. Cette deuxième campagne comprend également un remaniement concernant la salle du conseil. 

Ce programme binaire peut s’expliquer par la contrainte financière qui pèse sur la construction de l’école. En effet, le gouvernement fait preuve de parcimonie puisqu’il impose un coût de

21000 livres

sterling dont 14000 sont consacrés à la construction, le solde devant être réservé pour les honoraires, la peinture, le mur de soutènement. En outre, il est décidé que les candidats proposant un projet dont les coûts dépasseraient de plus de 10% le devis serait exclus.

Le projet de l’agence Honeyman-Keppie, entièrement dessiné par Mackintosh l’emporte grâce au soutien de Newbery, au grand scandale des concurrents évincés. 

En 1898, la première pierre est posée. En décembre 1899, l’école est inaugurée. Le nom de Mackintosh n’est pas mentionné à cette cérémonie. Cet édifice n’a fait l’objet d’illustration dans aucun des journaux britanniques et continentaux.

 

Le maître d’œuvre

 Né en 1868, Mackintosh appartient à la petite bourgeoisie. Son père est agent de police. A 16 ans, il est apprentis auprès de l’agence d’architecture Hutchinson et suit en parallèle des cours du soir à l’école d’art. Il y rencontre John Keppie - son futur associé- et Jessie Keppie, sa sœur, dont il sera le fiancé. Il remporte de nombreux concours scolaires dont un, nommé la bourse Alexander Greek Thompson, qui lui permet de visiter l’Italie.

C’est en tant que projeteur qu’il intègre, en 1889, l’agence que Keppie vient de fonder. Il se lie d’amitié avec un dessinateur de son âge, Herbert MacNair. 

Malgré son statut subalterne de projeteur qu’il conservera jusqu’en 1901, date à laquelle il deviendra associé, Mackintosh peut être considéré comme responsable de la production exceptionnelle de l’agence à la fin du siècle.

 

 En 1893-1894, il travaille à l’extension du siège social d’un quotidien local, le Glasgow Herald. A travers cet édifice, on perçoit amplement l’intérêt que l’architecte porte au « baronnial écossais ». Lequel renvoie aux manoirs semi fortifiés de la noblesse écossaise à la fin du Moyen Age et de

la Renaissance

, caractérisé par des tourelles rondes coiffées de toitures coniques, des façades quasiment aveugles d’une hauteur vertigineuse et de rare baies grillagées. Censé évoquer une période glorieuse de l’histoire écossaise, ce style servait depuis le milieu du siècle d’équivalent local du renouveau gothique.

La même année, il projette le Queen’s Margaret college. Cet édifice rend compte de sa recherche sur le rapport extérieur – intérieur : la largeur des baies varie en fonction des besoins d’éclairage de la pièce qui en est pourvue.

L’architecte greffe toute une série d’éléments décoratifs sur un schéma réinterprétant à la fois le thème du hall médiéval et de la prison benthamienne à l’école primaire de Barony street. Aussi le renflement bulbeux du poinçon de la charpente, les consoles de taule battue évoquant des brins d’herbe renforçant la galerie, la bande colorée de faïence blanche manifestent-ils sa volonté d’adoucir et d’humaniser un espace mesuré et disciplinaire. Cet exemple illustre à quel point la présence d’éléments décoratifs, même sophistiqués à l’extrême se justifie toujours par des nécessités fonctionnelles ou constructives.

A Queen’s cross construite en 1898, Mackintosh ne conserve du type médiéval de la tour que l’enveloppe puisque la tourelle ne contient nullement l’étroit escalier à vis mais un escalier à double volée, conduisant confortablement à la galerie. Découpés dans des planches massives, les balcons de celle-ci sont traités comme des boucliers ou étendards pendus aux murs d’une salle d’arme. Ce motif sera repris dix ans plus tard dans la bibliothèque de l’école d’art. Par ailleurs, l’intérêt de cet édifice pour notre étude est de comprendre comment l’architecte allie tradition gothique et modernité. Le rectangle de la nef est couvert d’une seule voûte ogivale surbaissée. La portée est telle que les murs doivent être raidis par d’immenses tirants qui traversent la nef. Lesquels sont soit niés soit soulignés par des sculptures (l’étude des œuvres ultérieures à l’école sera abordée dans la note de synthèse).

En 1899, il épouse Margaret Macdonald contre l’avis des parents de celle-ci.

A la fin de sa vie, il vit en France où il fait des aquarelles. En 1928, il décède d’un cancer. 

 

Le maître d’ouvrage

 

 Né en 1853, fils d’un cordonnier, Francis Newbery étudie au musée de South Kensington à Londres. Il y sera nommé en tant que professeur de dessin. En 1885, il obtient le poste convoité de directeur de l’école de Glasgow qui ne s’appelle encore que « l’école d’art et académie Haldane ». En 1889, il épouse un de ses étudiantes du cours de broderie, Jessie Rowat. Elle organise des soirées mondaines à l’école auxquelles les quatre sont régulièrement invités, parfois en l’honneur de personnalités étrangères comme Hoffman, Olbrich ou Wagner. Les bals masqués et pique-nique, les cours de dessin et de composition qu’organisaient Newbery et sa femme, étaient de nombreuses occasions au cours desquelles les étudiants et étudiantes se rencontraient. En cela, l’école d’art telle qu’elle était dirigée par Newbery, certes encore gouvernée par la division sexuelle du travail d’art, a joué un rôle à la fois de promotion sociale et d’émancipation des femmes.

En 1917, il démissionne et prend sa retraite.

 

 

 

 

 

 

 

L’histoire de l’œuvre

 

Des travaux inachevés

 Sur la face ouest, les blocs de maçonnerie flanquant les oriels comme les moulurations de la porte devaient accueillir des motifs sculptés.

 

Les modifications ultérieures 

 A l’extérieur, sur la face ouest l’armature des fenêtres, à l’origine en métal est considérée comme dangereuse en 1947 et substituée par du bronze. Sur la face est, deux baies sont ajoutées au nord de la porte.

 A l’intérieur, les murs de la cage d’escaliers étaient couverts de panneaux de pin jaune peint en marron foncé. Dans le courant du XXe siècle, la couche de peinture est retirée. Cet acte est qualifié de vandal par le Scottish Daily espress. Il semble qu’aucune restauration de la cage d’escalier telle qu’elle avait été conçue par l’architecte n’ait été entreprise.

 

 

 

LA DESCRIPTION

 

Situation

 

Localisation

 Mackintosh a dû palier à une contrainte topographique non négligeable. En effet, le terrain, long rectangle étroit présente une forte déclivité vers le sud. Il est borné par deux rues principales – Renfrew street au nord et Sauchiehall street au sud- et deux voies secondaires –Dalhousie street à l’est et Scott street à l’ouest. L’architecte saura profiter de cette configuration : il prévoit que les espaces situés dans le premier étage de soubassement seront consacrés au rangement et stockage.

 

 

Composition d’ensemble

 

L’édifice comprend plusieurs corps de bâtiment. Le corps de bâtiment principal est longitudinal, semi-double en profondeur (à partir du rez-de-chaussée surélevé). Il présente à ses extrémités est et ouest des ailes en retour formant pavillon hors œuvre. Sur sa face sud, il est flanqué d’un corps de bâtiment de plan rectangulaire situé dans l’alignement de l’entrée principale. Plus schématiquement, il s’agit d’un plan en E dont la barre principale constitue la façade.

 

 

 

 

 

Matériaux

 

Le gros oeuvre

 Les matériaux sont simples et traditionnels. Les faces nord, est et ouest sont traitées en granit gris jaune local, la quatrième en brique enduite. Les murs internes sont en brique.

Des poutres d’acier ou des poutres de fer moulé, encastrées dans le ciment et fixées sur des lattes de métal sont utilisées pour toutes les travées. A l’intérieur, les poutres métalliques peuvent être laquées en blanc ou laissées visibles.

  Le béton est utilisé pour les fondations et certains sols.

 Le bois est largement utilisé. La bibliothèque est, à titre d’exemple, entièrement traitée en bois, elle s’organise autour de deux rangées de quatre poteaux de pin d’Ecosse.

 

Le second œuvre

 Le fer forgé est principalement utilisé. A l’extérieur, au nord, plusieurs ensembles méritent d’être étudiés. Mackintosh renouvelle le motif populaire de la grille d’entrée par des faisceaux de tulipes métalliques, d’où surgissent huit motifs héraldiques japonais différents.

Les consoles en fer forgé, en second lieu, raidissent les cadres des grandes fenêtres et soutiennent les corbeaux de fer sur lesquels il était prévu de poser des hourds amovibles d’où les laveurs de carreaux auraient dressé leurs échelles.

Une décoration en fer forgé surmonte la face est. Elle représente le blason de la ville de Glasgow : un oiseau perché sur un arbre d’où sont suspendues quatre cloches.

Le matériau est également présent dans le mobilier, notamment ceux destinés à l’éclairage. Nous les détaillerons ultérieurement. 

 Le bois est utilisé pour revêtir les murs- ceux de la cage d’escalier par exemple- pour sculpter le mobilier- on peut citer celui destiné à meubler le bureau du directeur, la salle du conseil ou encore la bibliothèque.

 

Structures

 

 Le changement de niveau du faîte du toit permet, entre autres, de définir la division des corps de bâtiment. Aussi les corps de bâtiment ne présentent-ils pas les mêmes structures. Le deuxième étage de soubassement et le rez-de-chaussée surélevé sont communs. Le corps de bâtiment rectangulaire est le seul à comprendre un étage en entresol. Suit le premier étage commun. L’aile ouest présente un étage entresolé, l’aile est un demi-étage non entresolé. S’élève un deuxième étage pour l’aile ouest. Le corps de bâtiment principal dispose quant à lui, d’un étage-attique dont la partie centrale se situe au même niveau que les deux demi étage précédemment cités. 

 

Elévation

 

Les faces nord et sud

 Sept travées se répartissent de part et d’autre d’une travée centrale (les gouttières, éléments verticaux, permettent de les délimiter aisément). Les sept travées présentent une unité. En effet, elles comprennent au premier niveau (sous-entendu visible face à l’édifice), une croisée à quatre montants sans chambranle (exceptées les deux premières travées à partir de l’angle nord ouest, pourvues d’une croisée à trois montants) ; au deuxième niveau, une croisée à quatre montants et trois croisillons avec la même nuance que ci-dessus expliquée. Les niveaux sont liés et limités par la présence des consoles de fer entre le premier et deuxième niveau, par une corniche entre ce dernier et l’étage attique.

La travée principale se distingue des sept autres par la présence au premier niveau de l’entrée principale encadrée de moulurations et flanquée d’une échauguette, au deuxième niveau par celle d’un balcon, derrière lequel une porte fenêtre est surmontée d’un arc et, à côté duquel se dresse une échauguette, enfin par la retraite de la partie supérieure composée d’une croisée à quatre meneaux et deux croisillons et d’un linteau asymétrique. L’unité de cette travée est toutefois accentuée par la présence d’une tourelle en surplomb sur le pan rappelant les deux appendices inférieurs. Cette travée comme les éléments en fer forgé contribuent à animer la façade.

 

 La face sud n’a pas bénéficié du même soin. Le matériau utilisé corrobore cette idée. Aussi nous contenterons-nous de décrire l’impression générale qui s’en dégage : sa monumentalité. Laquelle est amplement accentuée par la présence de multiples petites baies qui contrastent avec celles de la façade. La seule particularité est la loggia accolée au mur du corps longitudinal sur laquelle nous insisterons davantage ultérieurement. 

 

Face est et ouest 

 

 La moitié nord de la face est, est dans sa quasi-totalité aveugle. Cette absence confère un effet de masse à l’édifice. Une extension couronne cette face et rompt la monotonie.

La moitié sud, quant à elle, est davantage rythmée. Les deux premiers niveaux sont éclairés simplement. Le troisième ne comporte qu’une seule baie double surmontée d’un linteau arqué. Deux fenêtres légèrement en saillie, plus hautes que larges occupent le quatrième niveau. Enfin, le dernier niveau est aveugle. Un fronton triangulaire couronne l’élévation. Il n’est pas sans évoquer le projet initial daté de 1896 de la façade. Une tourelle en surplomb sur le pan qui scande la face est, laisse deviner non pas un escalier mais l’extrémité d’un couloir.

 

 La moitié nord de la face ouest présente au premier niveau une porte encadrée de moulurations multiples et flanquée d’une baie. Au deuxième niveau, trois fenêtres en saillie, soutenues par des blocs de maçonnerie et surmontées d’un linteau angulaire, apportent une lumière supplémentaire à l’atelier d’architecture. L’élévation supérieure est aveugle.

La moitié sud est rythmée par quatre séries de trois fenêtres. Au premier niveau, elles sont simples. Au second, elles sont en saillie et soutenues par des blocs de maçonnerie. Des oriels flanqués de blocs maçonnés les prolongent au troisième niveau. Enfin, au quatrième, des fenêtres, hautes de deux briques posées l’une sur l’autre, contrastent avec les bow-windows.

 

Distribution intérieure

 

 La disposition par niveau est révélatrice des hiérarchies socio – culturelles du temps.

 

Le deuxième niveau de soubassement

 Une fois franchie la porte de la face est, le visiteur voit devant lui s’étendre un long couloir distribuant de part et d’autre de multiples pièces aux fonctions différentes. Au nord se déploient des espaces plus conséquents dont l’usage nécessite un éclairage plus abondant (atelier d’animaux vivant, technique, et de sculpture). Au sud, les pièces laissent peu entrer le jour (le cours d’anatomie, la salle de stockage spécifique à la sculpture) à l’exception toutefois des deux pièces situées aux extrémités (la conciergerie à l’est et l’amphithéâtre à l’ouest auquel la porte d’entrée permet d’accéder).

 

Le rez-de-chaussée

 Après avoir franchi le seuil de l’entrée principale, le visiteur semble être pris d’un sentiment de surprise et d’oppression. En effet, à la façade monumentale et ouverte succède un vestibule étroit et obscur. La voûte comme la clarté des murs peints en blanc adoucissent cette impression générale. La cage d’escalier vient vite apporter lumière, oxygène et soulagement. Elle est remarquable par la hauteur des balustres, simples éléments verticaux de section carrée terminés par une corniche qui court horizontalement, caractéristique du travail domestique de l’architecte. Un couloir permet d’accéder, au nord et sud ouest, à deux ateliers d’architecture ; au nord est, aux ateliers d’ornements élémentaires.

On accède au premier étage par l’escalier central, deux escaliers latéraux flanquant les ailes et un escalier privé reliant les bureaux administratifs et le bureau du directeur.

 

Il convient d’évoquer la salle du conseil, originellement située dans la partie sud de l’aile est, au premier étage. Elle fait l’objet d’un remaniement : elle est substituée par un atelier de dessin, qui aujourd’hui est le lieu d’exposition des œuvres de l’architecte de manière permanente. Concernant la salle du conseil actuelle, deux lustres en fer forgé, réflecteur de cuivre sont fixés sur des poutres métalliques dont la couleur immaculée doit réfléchir la lumière naturelle, et sont répartis de part et d’autre d’une des poutres transversales scandant la pièce. Les six lampes suspendues, formant un carré inondent de lumière le bureau directement placé en dessous. La blancheur et de la moquette et des murs contrastent avec un mobilier sombre en chêne. Paradoxalement, cette salle témoigne à la fois d’une certaine négligence – le bois de scierie utilisé est non raboté et laisse apparaître les armatures métalliques- et d’un soin particulier – des pilastres terminés par un chapiteau ionique imaginatif animent les parois et révèlent l’antipathie qu’éprouve l’architecte pour les formes classiques à travers l’incrustation de carrés et rectangles dans la partie sommitale du fût. Lequel décor est omniprésent dans la production de Mackintosh.

 

 

Le premier étage ou étage – noble

 L’escalier tournant à gauche à deux volées droites séparées par un repos formant retour d’équerre permet d’accéder directement au musée. L’espace de celui-ci agrège le couloir. Face au palier, un vestibule dessert trois espaces : au nord, le bureau du directeur ; à l’ouest les quatre ateliers de modèle vivant ; à l’est deux salles antiques et une de dessin en face de laquelle s’en développe une autre. Un couloir mène à la bibliothèque située dans la partie sud de l’aile ouest.

Si l’on peut se contenter brièvement de décrire les ateliers dont la particularité notable est la mise en place de cloisons mobiles, il convient d’étudier plus en détails les deux pièces maîtresses du niveau : le bureau et la bibliothèque. 

 Le bureau du directeur est une des premières « salle blanche » de l’architecte. Elle présente un des premiers exemples de grille de foyer en fer forgé. Les parois sont revêtues de panneaux de bois sans que ces derniers ne recouvrent l’intégralité du mur, puisque leur succède une surface en plâtre. La jonction des deux matériaux est atténuée par une légère corniche. Ce trait sera une caractéristique de l’architecte. Si le foyer de cheminé est soigné, il en va différemment des deux ampoules suspendues complétant le dispositif d’éclairage : les fils sont laissés tels quels sans qu’il ne soit tenté de les dissimuler.

 

 En revanche, dans la bibliothèque, la lumière joue un rôle de premier ordre. La disposition et la forme des fenêtres sont dictées par le plan général. Mackintosh fait des baies vitrées de véritables diffuseurs de lumière, soit en les disposant en rangée verticales, comme le veut la tradition, soit en les renversant et en les redoublant à l’intérieur afin d’obtenir des prismes de verre à base hexagonale, ce qui a pour effet de créer non un plan mais un volume lumineux. Chaque élément joue un rôle déterminant dans l’ensemble du projet. Ce principe est corroboré par la forme des lampes suspendues. Elles projettent un rayon de lumière directe sur le plan de consultation des revues. Elles sont conçues en outre comme des objets lumineux, avec leurs petites fentes latérales closes par des incrustations de verre indigo. Aussi, de la galerie le regard s’arrête-t-il tout naturellement sur les lampes disposées en grappe sur trois niveaux, qui constituent un type d’architecture suspendue totalement nouveau.

 Les pieds de la table de lecture sont ornés de décors rainurés, où fentes verticales et circulaires sont savamment combinés. Les décorations géométriques récurrentes dans sa production, permettent d’incorporer à son architecture des éléments propices à la concentration, surtout dans un lieu consacré à l’étude. Aussi en va-t-il des ornements, semblables à des triglyphes, des balustrades de la galerie.

 La bibliothèque se développe en plan carré sur deux étages, et est entièrement traitée en bois. Le plan est subdivisé en trois nefs par deux rangées de quatre poteaux en pin d’Ecosse, hauts de six mètres qui portent le plafond à caisson. Mackintosh n’a pas placé la galerie au nu des poteaux mais l’a reculé d’un mètre. L’espace ainsi formé est rempli par trois balustres de section carrée régulièrement taillées en chanfrein et coloriés.

L’élancement des piliers fait écho à l’élan vertical des fenêtres et des lustres. Ces lignes dynamiques et puissantes supportant un plafond à caisson peuvent faire référence aux intérieurs japonais. Toutefois, des formes curvilignes ne sont pas totalement absentes-les pendants, le présentoir à journaux et surtout les panneaux de bois recouvrant la galerie légèrement convexes. Sur la surface de ces derniers, la lumière paraît onduler, créant une subtilité d’un effet saisissant.

  

 Les étages intermédiaires sont le balcon de la bibliothèque pour l’aile ouest, la salle du nu pour l’aile est et le studio du directeur. L’accès au deuxième étage s’effectue par les deux escaliers latéraux et l’escalier privé. 

 

 L’intérêt du studio du directeur réside dans le travail de l’escalier qui semble s’intégrer parfaitement et préserve une uniformité à l’ensemble de l’espace. La salle de composition située au dessus de la bibliothèque ne sera pas développée.

 

Le deuxième étage

 

Il convient de s’attacher plus particulièrement à l’aménagement de l’étage - attique ayant suscité de véritable prouesse technique. C’est l’agencement de la lumière, ainsi que la volonté d’agrandir les studios qui justifient ce remaniement. Une loggia est construite en bois. Des chevrons qui terminent le linçeau sont soutenus par des consoles. Le bord du toit est maintenu par des corbeaux sur le mur externe. Aussi cette technique permet-elle d’insérer la loggia parallèlement au mur externe. 

Cette construction n’est pas sans occasionner des problèmes, notamment de circulation. En effet, un accès est-ouest doit être conçu puisque la surface du musée empiète sur le couloir d’une part, le studio du directeur est plus haut d’autre part. La solution qu’adopte l’architecte est de construire une loggia voûtée en brique, pourvue de trois baies en saillie dans le tronçon ouest. Laquelle mènera à un pavillon de bois et de fer, accolé au mur sud du corps longitudinal, surplombant la couverture du musée qui permettra l’accès à la partie est dudit corps.

 

La couverture

 

 Le corps principal dispose au centre, au dessus du studio du directeur d’une couverture en terrasse, à l’est comme à l’ouest, d’un toit à deux versants. Celui-ci est également retenu pour les ailes est et ouest. Pour le corps de bâtiment rectangulaire, il s’agit une verrière.

Ces structures rendent compte de la nécessité de fournir une lumière suffisante, préoccupation essentielle de l’architecte, mais aussi du souci de ce dernier quant à l’entretien de ces couvertures. Aussi le côté pragmatique n’est-il pas exclu de sa réflexion, bien au contraire.

 

 

 

LA NOTE DE

SYNTHESE

 

 

Place de l’œuvre dans la carrière de l’architecte

 

Des principes initiés à l’école développés par Mackintosh dans ses œuvre ultérieures

 L’évidement au maximum des murs.

En effet, l’école de Scotland Street construite en 1906 présente des tours vides et vitrées. Les meneaux sont constitués de minces piliers de gré de

20 centimètres

de section que Mackintosh raidit grâce à des linteaux de pierre courbes, des tendeurs métalliques invisibles, des arcs métalliques ancrés à la saillie du mur porteur, et des tirants à l’intérieur. Ici, il déploie la réflexion menée pour la façade ouest et nord de l’école d’art.

 Le plan libre

En 1901 un concours international est lancé par Koch. Il s’agissait de fixer le cadre idéal du mode de vie de la classe de loisir. Mackintosh remporte le troisième prix. Dans la préface de la publication ayant diffusé ses plans, Multhésius écrit «  l’aspect extérieur du bâtiment démontre un caractère absolument original qui ne ressemble à rien d’existant. Nous n’y retrouvons pas la moindre trace des formes architectoniques connues envers lesquelles l’artiste éprouve pour le moment la plus grande indifférence ». Aussi l’écart qu’il semblait avoir pris à l’égard de la tradition, concernant la façade ouest se confirme-t-il dans ce projet.

Par ailleurs, la disposition des espaces de réception préfigure le plan libre, cher au mouvement moderne. L’école témoigne de cette réflexion sur l’espace : les ateliers au cloisons mobiles en sont les prémices. Ce projet ne sera pas réalisé. Toutefois, l’architecte développe ces idées novatrices pour Hill House qu’il construit entre 1902 et 1904.

 

Mackintosh décorateur

 Le carré comme motif décoratif, inauguré à l’école d’art devient récurrent dans la production de Mackintosh. Citons à titre d’exemple la réhabilitation de Hous’ Hill de 1903 à 1909 et les nombreux mobiliers qu’il produit pour les salons de thé de Crauston.

En dehors de Glasgow, il travaille pour les firmes Septon et Foxton en produisant des tissus, non plus en appliqué ou en broderie ou encore en pochoir mais imprimés. Ce qui correspond à une production de masse à laquelle l’architecte décorateur n’était guère habitué puisqu’il n’avait travaillé jusqu’à présent qu’à la commande. Les motifs de ces tissus se simplifient vers l’abstraction car des motifs floraux stylisés initiaux sont progressivement substitués par des spirales, damiers, carrés et triangles. Les meubles et tissus excluent à la fin de sa vie l’ondulation.

 

Place de l’œuvre dans l’histoire de l’architecture  

 

 Les ondulations, toujours subtiles, contrastaient dans son œuvre avec des lignes verticales accentuées. Aussi son architecture combinait-elle des éléments tant curvilignes que rectilignes.

 Avec ses prétentions philosofico-symbolique, l’art nouveau de Glasgow était un art totalisant, auquel l’artiste se devait de croire, davantage qu’à l’art déco, commercial et frivole. Mackintosh n’a semble-t-il pas su totalement se résoudre à ce reniement. Néanmoins, la grande tradition japoniste de Glasgow lui avait paradoxalement permis de développer à l’intérieur de sa production Art nouveau l’idiome géométrique pré-moderne qui le rend si populaire aujourd’hui.

 

 A bien des égards, l’école d’art annonce les édifices modernes. Deux des cinq points pour une architecture moderne de Le Corbusier sont en effet abordés et déployer dans l’œuvre de Mackintosh : l’éclairage maximal, le plan libre.


 

 

 

 

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Commentaires
I
Ca manque de photos tout ca... <br /> Ce serait bien de mettre des photos pour les exposés!
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