La banque Renauld, 9 rue Chanzy Nancy
La banque Renauld (aujourd’hui BNP),
9
rue Chanzy (Nancy) (1908-1910 / 1912.)
I) Historique :
1°) Contexte historique :
2°)
Construction :
Charles
RENAULD, financier originaire de Rambervillers (Vosges), devient vers 1881
copropriétaire d’une banque fondée vers 1870. C’est en juillet 1907 qu’il
décide d’imiter ses collègues de Nancy qui viennent de se faire construire des
bâtiments prestigieux dans un nouveau style. Il abandonne donc ses locaux du 21
rue Saint-Dizier pour un immeuble neuf, désirant à son tour un établissement
moderne, capable « d’aller au devant de nos clients de l’extérieur sans
nous éloigner de ceux du centre. »
- Emile
ANDRE,
- Paul
CHARBONNIER,
- Gaston
MUNIER.
Finalement, seuls les deux
premiers signeront l’œuvre et seront respectivement chargés de l’enveloppe
extérieure et des aménagements intérieurs.
Puis il retient deux maîtres
de l’Art Nouveau :
- Louis
MAJORELLE, fabriquant spécialisé dans la ferronnerie et le mobilier intérieur.
- Jacques
GRUBER, maître verrier à Nancy.
(Voir leurs biographies en
Annexe)
Biographies des architectes
Emile ANDRE (Nancy 1871 - Nancy 1933) Architecte.
Issu d'une famille d'entrepreneurs et
d'architectes, Emile André étudie l'architecture à l'Ecole Nationale des
Beaux-Arts de Paris. Il voyage aux Indes, en Perse, en Tunisie et accompagne à
deux reprises une mission archéologique en Egypte. Rappelé à Nancy en 1901
par son père Charles André, architecte départemental, il travaille à
d'importants projets dont le premier est la transformation des magasins Vaxelaire
rue Saint Jean. La même année, il est chargé avec l'architecte Henry Gutton
d'établir le plan du lotissement du parc de Saurupt, où il réalise, en
1902, la loge du gardien, la villa les Glycines et la villa les
Roches.
Dès 1901, il est membre du Comité directeur de l'Ecole de Nancy.
Ses
productions, nombreuses et variées (maisons, villas, immeubles, commerces) sont
marquées par l'étude plastique des volumes plus que par la décoration
elle-même. La mise en œuvre très maîtrisée de nombreux matériaux et l'invention
de formes décoratives nouvelles, inspirées surtout par le style gothique,
donnent à ses édifices un caractère singulier et pittoresque.
Parmi ses réalisations encore visibles à Nancy : maisons Huot, 92, 92
bis quai Claude Le Lorrain (1903), les immeubles Lombard et France-Lanord,
69 et 71 avenue Foch (1902-1904), la banque Renauld (actuelle
B.N.P.) rue Saint-Jean (1908).
Paul CHARBONNIER (Nancy 1865 - 1953) Architecte.
Membre de l’Ecole de Nancy en
1901, Architecte des Monuments Historiques à Nancy en 1903, architecte en chef
de Meurthe et Moselle et conservateur des objets d’art et antiquités de Meurthe
et Moselle en 1915, Architecte départemental de Meurthe et Moselle et Président
(puis président honoraire) de la
Société des Architectes de l’Est en 1926, Président de
l’Ordre des Architectes de Nancy en 1943.
RENAULD rachète l’immeuble
Bournique, place Maginot, stratégiquement placé à l’angle des rues Saint-Jean
et Chanzy qui est un point de communication important entre la ville et la
gare.
Le premier projet est daté du
8 juillet 1907, mais ce n’est qu’en juin 1908 que l’immeuble est rasé. Les
travaux débutent au mois de juillet 1908 mais l’ensemble des plans ne sera
définitivement arrêté qu’en octobre, certains dessins datant même de février
1909.
Le
gros œuvre est achevé pour l’hiver 1909 et le déménagement de la rue
Saint-Dizier est effectué dans la nuit du 10 au 11 juillet 1910.
La construction de cet ensemble est extrêmement rapide grâce à l’utilisation d’une structure en béton armé et d’une charpente métallique réalisée par la Société Anonyme de le Grande Chaudronnerie Lorraine. La banque Renauld est l’un des premiers grands chantiers utilisant ces nouveaux matériaux de structure à Nancy, même si son bel appareil de revêtement ne permet pas d’imaginer une structure aussi moderne. Pourtant, cette construction sera très discutée voire critiquée. Le choix de la forme du toit d'ardoise, élancé et troué de lucarnes, rappelant les châteaux rhénans et qui s'inspire du "style à la Nuremberg " inhabituel en France a déconcerté voire choqué une partie du public nancéien de l'époque. Emile André est en fait considéré comme un original. On admet qu’il s’exprime librement pour des commanditaires privés résidant en périphérie mais le fait d’œuvrer en centre ville est beaucoup moins bien vu.
B) Extension : (1912)
Cet agrandissement est
imperceptible en élévation.
C) Acquisition de l’immeuble
HOUOT : ( ? après 1914 car l’étage de
combles de l’immeuble n’est définitivement terminé qu’à cette date.)
En
1905, Philippe HOUOT, notaire, fit élever son immeuble à l’emplacement du café
Eden, place saint Jean. Il passe commande à Henri GUTTON (1851-1933) et Joseph
HORNECKER (1873-1942) en octobre 1905 mais le premier cède son agence à la fin
de 1906.
Le gros-œuvre est achevé en
1906 par l’entreprise FRANCE-LANORD & BICHATON.
L’aménagement de l’étude notariale
(rez-de-chaussée) et du logement du propriétaire (deuxième étage, le troisième étage est réservé à sa domesticité)
commence dès 1907. Le premier étage est achevé et loué en 1910. En 1915, l’adjonction
de lucarnes au niveau des combles est le seul changement apporté à l’élévation.
Le parti pris de Me Houot de
n’occuper que les deuxième et troisième étages et de louer le premier étage (étage
« noble ») va avoir de grandes répercussions sur l’élévation de la
rue Chanzy.
Exemple : le balcon
principal de la façade n’est pas au premier étage mais au second.
3°)
Historique après construction :
A) Rachat de l’ensemble par la Banque Nationale
de Paris :
Les travaux commencent le 2
juin 1985 et l’inauguration a lieu le 7 décembre 1987.
B)
Dégradations, restaurations et réaménagements :
A l’intérieur, l’évolution
des services banquiers provoque un changement important dans la distribution et
la décoration, mais le grand hall conserve son volume primitif et l’ensemble de
ses ferronneries d’une exceptionnelle qualité. Malheureusement, la verrière de
Gruber et des luminaires de Majorelle ont disparu ainsi qu’une partie du
mobilier.
L’escalier d’honneur, le comptoir, la galerie à l’étage avec décor, les lambris et le bureau du directeur avec cheminée et lambris ont été conservés dans leur état d’origine et sont inscris aux Monuments Historiques.
I) Description :
1°) Situation :
- Granit
pour le soubassement et les piliers du porche,
- Calcaire
pour l’élévation,
- Structure
en béton armé revêtue de pierre de taille,
- Plancher
en béton armé réalisé par l’entreprise Evrard,
- Charpente
métallique par la Société
Anonyme de la Grande Chaudronnerie Lorraine.
- Ferronnerie intérieure et mobilier exécutés par l'entreprise
nancéienne Louis Majorelle ;
- Verrières réalisées par Jacques Gruber (1870 1936) maître-verrier
à Nancy ;
- Ascenseur fourni par la maison Pifre de Paris ;
- Sculpture ;
- Menuiserie
;
- Mosaïque.
- Ardoise ;
- Cuivre.
A) Tour-porche :
L’ensemble
est dominé par la tour-porche érigée en axe de symétrie. Arrondie aux 2 premiers niveaux, elle passe à un plan
octogonal au 3ème avant de s’effiler en une flèche aux multiples
« regards » triangulaires. La rupture est compensée par un large
balcon dont les balustres, en forme de massues un peu lourdes, se terminent
-dirait on- en boutons de fleurs.
Cette
tour est ancrée sur 3 piliers formant des arcs en anse de panier qu’on verra se
répéter sur les ouvertures. Ces piliers sont dotés, à la naissance des arcs, de
bagues métalliques portant un décor de feuilles de ginkgo biloba, « l’arbre
aux quarante écus ». (Ce motif est repris sur les lucarnes pignon.)
Les
gardes corps en ferronneries alternent des décors plus ou moins stylisés de
feuilles de ginkgo biloba, gracieusement courbées vers l’axe de symétrie
central, et de fougères un peu larges destinées à être perçues d’en bas. Une
superbe frise de fleurs ceint la tour-porche au dessus du 5ème
étage, tandis que les corniches s’ornent de marguerites.
Le
granit du soubassement et des piliers isolés du porche participe à la stabilité
des murs. Sa coloration grise souligne la blancheur du calcaire et rappelle
l’ardoise de la couverture.
B) Elévation générale :
Les
fortes verticales tracées par les travées sont corrigées par de puissantes
horizontales marquées par entablements, balcons et corniches en saillie. La
monotonie des croisements de lignes est rompue par la forme octogonale de
la tour-porche, l’avant-corps de la rue Chanzy, la différence de niveau
imprimée sur la disposition des balcons (en continu au 3ème niveau,
disposés sur l’architecture en saillie au 2ème) et par une habile
distribution des formes arrondies adoucissant les tracés droits et les angles
aigus de la tour.
Une
frise de pommes dans leur feuillage orne les linteaux des baies du
rez-de-chaussée. Les garde-corps et le décor sculpté sont les mêmes que ceux de
la tour-porche.
4°) La couverture :
5°) Distribution et décor intérieur :
A)
Distribution intérieure :
- le sous-sol est desservi
par un vaste escalier descendant du rez-de-chaussée conduisant le public à un « chemin
de ronde », entourant une sorte de sanctuaire qui renferme deux parties
extrêmement sécurisées : les coffres-forts de la banque et ceux loués aux
clients. Derrière le mur de clôture, une galerie cour le long du sous-sol et
donne sur les archives de la banque, les caves des appartements des étages
supérieurs et un vaste calorifère pour l’immeuble entier avec une salle pour
stocker le charbon.
- le rez-de-chaussée est
parfaitement aménagé (voir plan en Annexe) : de l’extérieur un escalier
arrondit conduit au rez-de-chaussée, un peu surélevé pour corriger la pente de
la rue Chanzy. Derrière la rotonde d’entrée s’ouvre le grand hall réservé au
public, puis les importants bureaux des titres et coupons, le bureau de la
direction, les vestiaires et lavabo des employés, ainsi qu’un monte-charge. A
droite de l’entrée se trouvent la caisse et le bureau des encaisseurs ainsi
qu’un escalier qui distribue les appartements et donne sur la rue.
Dans le hall un superbe
escalier en pierre conduit au premier étage, réservé à la gérance, à la rédaction de la revue des Valeurs
Régionales, aux divers services de Comptabilité et du Portefeuille.
- le deuxième étage
est celui des appartements. Ils disposent de chambres, cuisine, salle à
manger, salon…
L’ensemble des ferronneries
provient de l’atelier Majorelle :
Les grilles en fer forgé des trois
escaliers, celui menant aux appartements et les deux du hall, portent un décor
de fougères et de monnaie-du-pape.
La rampe d’appui de l’escalier menant à
la galerie du premier étage est composé d’une main courante et d’une base de
bronze, s’enroulant avec une grande élégance sur la structure en fer, et font
corps avec elle. Les montants sont "habillés" de branches
bourgeonnantes et de décor en monnaie-du-pape, de même que son limon finement mouluré.
Des lampadaires avaient également été
réalisés par l’atelier Majorelle et représentaient des fleurs dans le style de
l’Ecole de Nancy. Ils ont été remplacés par des appliques design qui mettent en
valeur le décor sculpté.
Les murs sont parsemés de
cabochons en pierre sculptée reprenant le décor général du hall avec toujours
des fleurs de monnaie-du-pape, à l’aspect très décoratif.
Le comptoir originel est
conservé mais déplacé. En bois d’acajou, il comporte un décor sculpté de monnaie-du-pape
sobre mais élégant.
Le grand escalier accueille
« le Printemps Lorrain », tableau de Robert Maggiani.
Dans le bureau du directeur
on peut voir des lambris et un décor de cheminée en acajou où sont sculptées de
magnifiques fougères stylisées.
Le sous-sol est pavé de
mosaïques, riches revêtements de faïence de couleur.
Les coffres-forts y sont scellés dans des caveaux formidables dont « chemin de ronde » est tapissé de porcelaine décorative.
I) Synthèse :
La banque Renauld est un des
premiers grands chantiers de Nancy à utiliser une charpente métallique et une
structure en béton armé.
Il affirme, par la noblesse
de ses matériaux et sa « tour de guet » la puissance de
l’établissement.
Depuis le 4 mai 1994 le
bâtiment est partiellement inscrit et classé aux Monuments Historiques.
Sont classés : les façades sur rue et toitures sur rue ; le hall.
Sont
inscrits : l’escalier d’honneur ; le comptoir ; la galerie à l’étage avec
décor ; les lambris et le bureau du directeur avec cheminée et lambris.
Bibliographie :
è Documents du Service Régional de l’Inventaire
Général (29 rue du Haut Bourgeois à Nancy),
è http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/
le site de la base Mérimée,
è http://claude.fourcaulx.free.fr/mon_hist/42.htm
un site privé riche en photographies,
Annexes
Louis MAJORELLE (Toul 1859 - Nancy 1926) Industriel, artiste décorateur et ébéniste.
Après avoir suivi les cours de
Théodore Devilly et Charles Pêtre à l'Ecole des Beaux-Arts de Nancy, Louis
Majorelle est reçu à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1877 et fréquente
l'atelier du sculpteur Aimé Millet. Deux ans plus tard, le décès de son père
l'oblige à revenir à Nancy. Il reprend avec son frère Jules l'entreprise
familiale de fabrique de mobilier et de faïence.
En 1894, après une production d'inspiration historique, Louis Majorelle
remplace le décor vernis ou peint du mobilier rocaille et japonisant au profit
du décor marqueté à références naturalistes et symbolistes. Reconnu essentiellement
pour son travail d'ébéniste, Louis Majorelle développe une production de
meubles à deux niveaux : la première concerne le mobilier de luxe, fabriqué à
Nancy rue du Vieil Aître, et la seconde, le mobilier bon marché de série qui
est réalisé à partir de 1905 dans les ateliers de Pierre Majorelle à Bouxières,
près de Nancy.
Le travail du métal est développé dans ses ateliers pour la réalisation des
bronzes ornant le mobilier, mais aussi pour les luminaires en collaboration
avec Daum à partir de 1898.
Il fait éditer ses céramiques dans différents ateliers de la région lorraine et
réalise des modèles d'objets en grès pour Alphonse Cytère (Rambervillers) et
les frères Mougin.
Ses multiples activités l'amènent à ouvrir de nombreux magasins d'exposition,
notamment à Paris, Lyon et Oran.
En 1901, il est un des vice-présidents de l'Ecole de Nancy.
Jacques GRUBER (Sundhausen 1870 - Paris 1936) Décorateur et peintre-verrier.
A partir de
1889, Jacques Gruber étudie à Paris à l'Ecole des Arts Décoratifs, à l'Ecole
des Beaux-Arts et fréquente l'atelier du peintre Gustave Moreau. En 1893, il
entre chez Daum comme chef décorateur et enseigne à l'Ecole des Beaux-Arts de
Nancy jusqu'en 1916.
Avant qu'il ne possède son propre
atelier de vitrail en 1904, Jacques Gruber fait réaliser ses projets chez le
verrier Charles Gauvillé. Bien que s'intéressant principalement à cette
technique, Jacques Gruber ne délaisse pas les autres aspects des arts
décoratifs. Il collabore en effet avec plusieurs industriels et artisans
nancéiens auxquels il fournit des modèles et des décors de mobilier, de
reliure, d'objets en grès flammé. Il dessine également des menus et des
programmes pour les imprimeurs nancéiens. la Chambre
Il est le maître verrier nancéien auquel s'adressent Louis Majorelle, Eugène
Corbin, Albert Bergeret, mais également
Jacques Gruber s'installe à Paris à partir de 1914 et connaît une
période prospère de renouvellement artistique pendant la période Art Déco.
Il est membre du Comité directeur de l'Ecole de Nancy dès 1901.