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Exposés Art Nouveau
30 avril 2008

La rue Félix Faure

Historique :

Ø Le contexte historique

En hommage au président Félix Faure, mort accidentellement en 1899, cette rue est construite en 1901, selon une procédure de lotissement à l’initiative du « Sieur Lefort », entrepreneur de Nancy. Elle est destinée à des propriétaires appartenant à la classe moyenne. Au début du XXème siècle, le lotissement de la rue fait l'objet d' une forte spéculation ; en effet, jusqu’à la veille de la première guerre mondiale, on dénombre près d’une cinquantaine de demandes d’autorisations de travaux.. Ces demandes sont faites, en majorité, par des propriétaires nancéiens qui veulent bâtir pour louer. La plupart achètent une parcelle, deux voire au maximum trois (César Pain en achètera 17).

Il s’agit donc d’une rue privée, ouverte, qui sera classée voie municipale en 1903. A ce moment là, il existe déjà huit demeures pour dix-huit habitants (trois sont de petits immeubles de rapport, les autres sont des maisons unifamiliales occupées pour moitié par leur propriétaire).

Ø La construction de l’édifice

Les personnes liées à l’œuvre sont les architectes Emile André, Paul Charbonnier, Joseph Hornecker, César Pain ainsi qu’Henri Vial. César Pain (1872-1946) s' intitule «  métreur-vérificateur en bâtiments particuliers et industriels, expert auprès des tribunaux », il construit à lui seul 17 maisons entre 1903 et 1913 ; Emile André (1871 1933) en réalise trois ; Joseph Hornecker (1873-1942), Paul Charbonnier (1865-1953) et Henri Vial (1883-1966) chacun une.

Enfin il est à noter que les entrepreneurs qui leurs sont associés, et qui, pour la plupart sont également maîtres d’œuvre, sont : Bernanose, Bichaton, Dancelme, France Lanord, Gerbeaux, Giracca, Lacombe, Legrand, Pagny, Pètre, Prudhomme et Parry.

            César Pain, fils de géomètre, est né en 1872 à Pontarlier. Se présentant comme « métreur-vérificateur en bâtiments particuliers et industriels, expert auprès des tribunaux », il œuvre à Nancy sur une assez courte période qui commence en 1902. Commercial d’abord, puisque son activité de lotisseur est à l’origine de la rue, il quitte Nancy en 1925 pour Nogent-sur-Marne où il se consacre à la vente d’immeubles. Aucun travail d’architecte n’est recensé après cette date. Sa biographie se limite à l’apparition des célèbres petits macarons de céramique dont il a signé la plupart de ses façades. Il meurt en 1946.

            

Ø L’histoire de l’œuvre après construction

La rue aujourd’hui existe toujours mais certaines habitations ont été dénaturé, que ce soit par la construction de garages ou encore par la mitoyenneté. Certaines maisons, quant à elles, ont fait l’objet de restauration.

Description :   

Ø La composition d’ensemble

La rue Félix Faure s’étend du numéro 2 au numéro 86. Elle longe le terrain de l’ancien hôpital Sédillot et s’ouvre sur la rue du Sergent Blandan, face à l’ancien complexe thermal (c’est d’ailleurs de ce côté que s’élèvent les premières constructions).

Longue de 400 mètres, et large de 12 mètres, elle est constituée de 83 parcelles presque exclusivement loties entre 1903 et 1913. La largeur de ces parcelles est comprise (pour près du tiers) entre 6 et 8 mètres à l' exception de celles situées autour du rond point central. La profondeur, quant à elle, n' excède pas en général 30 mètres.

Elle est construite selon des règles d’urbanisme simples, ce qui lui donne une certaine cohérence. Quatre grands principes sont ici suivis : l’alignement des immeubles, la disposition des faîtages parallèles à la rue, une homogénéité dans la hauteur d’environ deux étages et la présence d’une cour, d’environ trois mètres, à l’avant de chaque maison. Il y a bien entendu des exceptions qui mettent en valeur le reste de la rue.

Enfin, il faut préciser que les maisons sont, pour la plupart, mitoyennes des deux côtés.

Ø Description de quelques pavillons de la rue

­ Les matériaux :

Les principaux matériaux constituant le gros œuvre de ces pavillons sont le calcaire, les moellons, l’enduit, la pierre de taille, le granite et la brique. Pour la couverture, les architectes ont recours à la tuile mécanique et à l’ardoise.

Les matériaux secondaires, quant à eux, sont spécifiques à chaque architecte, c’est pourquoi ils seront soulignés tout au long de la description des différents pavillons, mettant ainsi en lumière le soucis du décor propre à chacun de ces architectes.

­ Présentation des principales maisons de la rue Félix Faure

Deux pavillons conçus par Emile André :

w Le n° 36 :

DSCF0568

Il s’agit d’une maison de rapport réalisée par l’architecte pour le docteur Grosjean. Datée de 1903, elle est louée en 1905. Concernant sa structure, cette maison présente un sous-sol, un étage carré ainsi qu’un étage de comble. La façade se divise en deux parties dévoilant les espaces servants et les espaces servis. La liaison entre les deux travées se matérialise par un auvent qui fait également la transition entre intérieur et extérieur. La diversité des fenêtres indique clairement les destinations des pièces.  La maison est couverte d’un toit à longs pans.

La distribution intérieure s’organise autour d’un escalier tournant à retours avec jours, en charpente.

Il est à noter que cette maison s’inspire très largement des villas du parc de Saurupt, également exécutées par Emile André. Des Roches, elle réutilise le matériau de gros œuvre tout en pierre de meulière et le parti d’élévation de la cage d’escalier. Des Glycines, elle emprunte la grille en fer du mur de clôture avec son ornement végétal.

w Le n°25 :

DSCF0559

Construite l’année suivante, en 1904, il s’agit là encore d’une maison de rapport, sans doute la plus petite demeure jamais exécutée par André, destinée à l’entrepreneur de peinture Ramel. Vers 1905, l’architecte construit sur la parcelle mitoyenne à droite une maison identique mais en inversant l’ordre des travées.

Bien qu’ayant reçu un budget plus limité qu’au n°36, ce pavillon comprend une façade dont la composition continue à traduire la destination des pièces. L’élévation est donc à travées, le toit, à longs pans et la distribution intérieure s’organise également autour d’un escalier à retour avec jour, en charpente.

La grille de clôture ainsi que la grille d’imposte sont en fer et ornées de motifs végétaux. Sous l’avant toit se dessine une frise décorative florale récemment restaurée.

Les pavillons conçus par César Pain :

w Les n°8 et 10 :

DSCF0553

Il s’agit de maisons jumelles, construites en 1903, dont l’ensemble cohérent met néanmoins en avant le numéro 10 du fait de l’avancée constituée d’un pignon ouvert de charpente.

Ces maisons sont les seules à avant-corps sur rue, l’architecte adoptant par la suite un parti de structure simplifiée.

De composition classique, elles pourraient offrir une image monotone si le traitement du décor ne se révélait très riche. En effet, l’austérité du granit rose gris, utilisé comme appareil de revêtement irrégulier est tempérée par la brique émaillée, la pierre de calcaire blanche et le bois peint couleur brique. De plus ces deux maisons exploitent intensément les jeux de toitures ( débords, appuis, pignons, chiens assis).

La maison de gauche était celle habitée par l’architecte. A l’époque, en référence à l’architecture balnéaire, un auvent en tissu rayé était placé au-dessus de la porte-fenêtre du balcon du premier étage. Cet ensemble a été en partie dénaturé par la construction de garages en sous-sol.

w Les n°24, 26, 28, 30.

DSCF0564

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Nous retrouvons ici un ensemble de quatre maisons exécutées par Pain en 1904, 1906, 1907, et 1909 (respectivement de gauche à droite).

Si la n°30 est encore très proche de la propre demeure de l’architecte, les trois autres en revanche sont les représentantes d’un type nouveau.

Ces maisons comprennent quatre étages dont un sous-sol et un étage de combles.

Au rez-de-chaussée, un couloir latéral conduit à la cage d’escalier dans œuvre, la seconde travée étant occupée par le salon sur rue et la salle à manger sur jardin. La cuisine, quant à elle, est située dans un corps en appentis. A l’étage, on trouve deux chambres avec sanitaires.

La composition d’ensemble formée par ces quatre pavillons est étonnante mais non moins harmonieuse. L’effet décoratif du n°30 se situe dans la mise en œuvre très particulière des pierres en opus incertum du mur de façade, comparable à celle déjà observée aux n°8 et 10. Ce mur est agrémenté d’un décor plaqué en briques émaillées (bandes horizontales, linteaux de baies), soulignant ainsi le désordre particulièrement ordonné des blocs de pierre.

Le débord de toiture est ici remarquable (avec ses carreaux de grès émaillé formant des ornements géométriques).

Contrastant fortement avec ce pavillon, les trois autres démontrent une volonté nouvelle d’embellissement de la façade, avec leurs peintures murales représentants des arbres fruitiers et des fleurs, l’utilisation du vitrail et du fer forgé soigneusement travaillé (notamment pour les grilles des gardes corps et du balcon du n°24 où le fer prend l’apparence de marguerites).

Les n° 26 et 28 possèdent des balcons identiques qui contribuent à l’intégration de la charpente apparente à l’ensemble. Cependant la toiture du n°28 apparaît nettement moins travaillée (mais ceci dans le but de faire ressortir les débords des toits des deux pavillons contigus à ce dernier). Dans le même esprit, ces trois pavillons voient leur premier niveau traité en tant que soubassement, bien que la frise du n°28 soit différente des deux autres.

Aussi la diversité des matériaux utilisés en façade (pierre meulière, granit rose, calcaire blanc d’Euville, brique rouge et jaune, brique émaillée multicolore, fer forgé, bois, vitrail, peinture murale, ardoise) est-elle tout à fait surprenante et novatrice, révélant un soucis du détail dans la mise en œuvre dont l’effet est obtenu grâce à une technique particulière.

w Les n° 52 et 54

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Ces deux pavillons, exécutés en 1912 par l’architecte, comptent parmi ces dernières réalisations et appartiennent à une série de sept maisons. Pain renoue ici franchement avec les styles normands et balnéaires. Si la n°54 présente à nouveau une façade composée de blocs de pierre en opus incertum et des linteaux de baies en briques émaillées, la n°52, en revanche, affiche clairement son « cachet » normand. En effet, les murs à colombages offrent une large place au bois, celui-ci étant également mis à entière contribution dans le travail des balcons, marquises et jardinières, et ce dans l’intention de montrer ce savoir-faire constructif au rôle purement esthétique.

è Le type César Pain s’exprime donc à travers la maison à deux travées, dont il contribuera à fixer pour plusieurs décennies le plan, séparant séjours et services. Il est d’ailleurs à noter que toutes ces tentatives pour s’écarter de ce schéma seront marquées d’étonnantes maladresses de composition.

C’est à la décoration des façades que l’on reconnaît le mieux la signature de l’architecte. En effet, les arcs de briques alternées, l’opus incertum de meulière, les motifs de charpente apparents et surtout les inévitables macarons de céramique constituent le principal assaisonnement de ces produits. Ces objets pourraient sembler produit en série tant ils varient peu d’une maison à l’autre. Mais on ne peut parler d’industrialisation avant la première guerre mondiale puisque ce mot n’a aucun sens dans la production du cadre bâti. Aussi Pain préparait il simplement ces projets, comme le feront plus tard d’autres architectes, en étroite collaboration avec quelques entreprises ou artisans qui organisaient d’avance menuiserie ou ferronneries. Cette méthode lui aura permis de construire, en moins de quatre ans, une grande partie de la rue Félix Faure.

Le pavillon n°65 conçu par Henri Vial

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Henri Vial (1883-1966) est surtout connu pour avoir participé aux reconstructions d’après guerre dans le département de Meurthe-et-Moselle. Son intervention dans la rue Félix Faure date de 1925 et montre le retour de l’architecture classique et l’apparition de l’Art décoratif.

Composée de deux étages nobles et d’un étage mansardé distinct, cette maison présente une organisation classique. Cependant elle utilise un répertoire architectural varié, notamment le traitement en bossage et le bow-window qui sont d’inspiration classique alors que les décorations stylisées, elles, renvoient à l’Art Déco des années 1920, en réaction à l’Art Nouveau jugé trop « mou ».

On peut voir que le matériau aussi a évolué. Les fers, par exemple, sont de section plus fine.

Note de synthèse :

Nous pouvons donc observer, dans cette rue, une cohérence des matériaux et des formes, puisque les schémas de composition sont très hiérarchisés et varient peu d’un architecte à un autre.

En effet, cette oeuvre a coïncidé avec la mode du début du siècle et le développement rapide du « Nouveau Nancy » en offrant une alternative économique pour les classes moyennes, aux luxueuses fantaisies de l’Art Nouveau. Mais l’architecture tend malheureusement à devenir très vite routinière et à lasser une clientèle avide de nouveautés formelles. Ceci explique, par exemple, que la carrière pourtant prolifique de César Pain n’ait pu se poursuivre que ponctuellement après la première guerre mondiale. L’intervention plus tardive d’Henri Vial dans le paysage de la rue marque la volonté de « passer à autre chose », en s’inspirant notamment d’éléments renvoyant au style qui fleurit entre les deux guerres, à savoir l’Art Déco. Malgré tout la rue Félix Faure doit être considérée comme un lieu essentiel où se développe une architecture pittoresque, moins savante que celle du « grand Art Nouveau » mais tout aussi attachante, comme la volonté d’une architecture populaire inspirée de celle  des milieux élitistes bourgeois.

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